Homélie de Mgr Jean-Luc HUDSYN au TE DEUM (21 juillet 2025 à Wavre, Saint-Jean-Baptiste)
- Paroisse Saint-Jean-Baptiste Wavre
- 21 juil.
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Du Livre de Josué, au chapitre premier.
Après la mort de Moïse, le Seigneur parla à Josué, fils de Noun, auxiliaire de Moïse, et lui dit :
« J’étais avec Moïse, je serai avec toi.
Je ne te délaisserai pas, je ne t’abandonnerai pas.
Sois fort et très courageux, et veille à agir selon toute la Loi prescrite par Moïse, mon serviteur. Ne t’en écarte ni à droite ni à gauche, pour réussir partout où tu iras.
Ce livre de la Loi ne quittera pas tes lèvres ; tu le murmureras jour et nuit, afin que tu veilles à agir selon tout ce qui s’y trouve écrit : alors tu feras prospérer tes entreprises, alors tu réussiras.
Oui, sois fort et courageux !
Ne crains pas, ne t’effraie pas, car le Seigneur ton Dieu sera avec toi partout où tu iras. »
Homélie pour le Te Deum du 21 juillet 2025 – Wavre – St Jean-Baptiste
Ce texte est une parole d’encouragement adressée à Josué au moment où il doit succéder à Moïse. Le voilà appelé à reprendre le flambeau de la gouvernance au service de son peuple. Le Seigneur ne veut pas le laisser seul au moment où il reçoit cette responsabilité. Il ne veut pas qu’il se sente délaissé et abandonné à lui-même dans cette mission : celle de veiller à l’avenir et au bien commun de celles et ceux dont il reçoit la charge.
En ce jour de fête nationale, nous nous retrouvons pour ce moment de recueillement et de méditation. Quels chemins prendre pour assurer à la nation un avenir juste et bon, durable, profitable à tous ? Comment assurer ce qu’on appelle le bien commun, qui ne peut être réellement commun que s’il assure à chacun de nos compatriotes bien-être, solidarité, justice, dignité aussi ?...
Nos pensées vont ce matin vers tous ceux qui portent le service de cet avenir et de ce bien commun. Nous pensons avec reconnaissance au roi Philippe ainsi qu’à la reine Mathilde et à toute la famille royale. Nous pensons à tous celles et ceux qui assurent le service de la gouvernance politique, sociale, économique, culturelle de notre pays, dans la diversité de ses communautés, de ses régions, de ses institutions et de ses organisations – et dont plusieurs représentants sont ici parmi nous.
Mais la responsabilité de l’avenir et du bien commun ne concerne pas seulement ceux qu’on appelle… « les responsables ». C’est aussi l’affaire de tous et de chacun. C’est ainsi que nous pensons aussi à tant de personnes, tant de bénévoles, en cette ville et ailleurs, qui contribuent même humblement à ce bien-être commun.
La notion de bien commun est ancienne. Elle remonte à l’Antiquité. Elle était fréquente dans la pensée du moyen âge. Ce n’est peut-être pas un hasard si on en parle moins aujourd’hui : souvent on lui préfère la notion d’intérêt général. Ce n’est pourtant pas tout-à-fait la même chose. L’accent est ici moins mis sur ce qui devrait nous être « commun ». L’intérêt général est davantage – et c’est là que ce n’est pas un hasard - l’intérêt général est davantage vu comme la somme des intérêts particuliers. Avec peut-être cette méprise, cette illusion : que si on satisfait pleinement tous les intérêts particuliers… alors on trouvera le bien commun, le bien être de tous.
Tout responsable de la chose politique connait bien ces levées de boucliers dès qu’on touche aux intérêts particuliers : « D’accord pour ce projet collectif mais pas dans mon jardin »… Ce syndrome NIMBY si caractéristique de notre temps : « Oui, ce serait pas mal, mais en tout cas pas dans mon arrière-cour ».
C’est donc à chacun et chacune de nous à se travailler le cœur pour être davantage à l’écoute des préoccupations des autres. Cela demande, de mieux apprendre à se parler, et à s’écouter, une culture du dialogue, une culture de la participation et à tous niveaux. Et cela demande aussi de la persévérance pour ne pas se décourager devant les résistances ou l’indifférence ; c’est avoir la force d’affronter les conflits et d’en discerner les causes.
Nous le sentons bien : sans ce souci obstiné de faire une juste place à l’autre, sans la recherche d’une juste répartition des biens, sans le consentement à la part de renoncement qu’on peut légitimement demander à chacun, on ne fait qu’entretenir ces ferments de violence aujourd’hui à l’œuvre – tant dans les relations de proximité, que dans les divers niveaux de la vie sociale, politique et bien sûr internationale dont notre souverain s’est si fermement inquiété : à Gaza, en Ukraine, et aussi dans tant de pays dont on ne parle quasi jamais.
« Sois fort et courageux », dit le livre de Josué. S’écouter, se parler, consentir à la juste place donnée à autrui, cela demande effectivement force et courage. La force de se laisser déplacer dans ses évidences et ses intérêts. Le courage d’être tous vraiment responsables, chacun là où il est. Avec aussi le courage de la lucidité, et le courage de la prise de décision.
Cette force et ce courage, à chacun de voir, selon ses convictions, où il en trouvera l’inspiration. Cela demande en tout cas de ne pas être abandonné à soi-même : nous avons tous besoin pour cela les uns des autres, de l’encouragement des autres, et de l’estime des autres. Cela demande de puiser, chacun à sa manière, aux sources de ce qui nous est commun : cette fraternité qui, dans nos différences, mystérieusement nous unit dans une même dignité.
+ Mgr Jean-Luc Hudsyn




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